" Wie es aussieht "
[voir au dehors / avoir l'air]
un plomb de robe dans mon bras droit, je m'étire au pied d'un arbre mordoré mais l'arbre est mourant. Juin m'a appris le cru des lumières des matins et la voie striée des feux vespéraux. Il n'y aura plus de lettres d'amour au printemps et l'arbre disparaîtra. Quand la fièvre d'hiver envahit la mémoire, quand la nostalgie jeune séduit les yeux et qu'elle envahit inexorablement la conscience — la nature déleste les robes de leur sable d'or, elle est implacable
August Sander, Der Mensch, 1919
à chaque commencement, j'entends la même folie me murmurer sa trame. Je m'assieds instinctivement sur le tabouret d'une niche charnelle et je me lis à voix nue. Je ne sais pas à ce commencement si je dois me recentrer ou me concentrer. Mon corps est une figure réfractive aux premières fois. Première ombre, premier éclat de tonnerre, rideau sur le premier amour — il pleut des tresses de rougeur profonde. Je regarde mes sensations diffuses dans des carreaux de miroir. J'inspire un peu d'air bruissant et je croise la jambe gauche sur la jambe droite, ainsi j'épouse les lignes transversales de la chambre. Contre moi - une garde-robe. Je décroise les jambes avec le même instinct du départ et je me souviens fibre à fibre d'une chaleur humide. Mon corps est une toile d'exercices quand le vent chasse la pluie à l'intérieur
Le temps veut fuir, je le soumets. Charles Cros, Inscription
[Le Collier de griffes]
les tains vairons
[érythèmes]
Message de ma profondeur de siècles,
qui m'enjoignait de me garder de moi-même et de courir au soleil.
Goliarda Sapienza, L'Art de la joie
conversation avec Irena #02
longtemps la première fois
le verbe à l'aurore qu'une nuit élève
une serre nubile dans le fond du jardin
l'instinct du sang trouvant sa terre
m'entraîne en songe - en moi-même
l'oubli de soi à Saint Sauveur
[Europa]
la voix plus serrée qu'une affection
le parfum du jasmin enchevêtré au garde-fou
de la beauté au courroux l'impossible répétition
des mots inexacts en corps dansant
et mon souvenir cherche le pas
Jacques-Fabien Gautier d'Agoty
" L'Ange anatomique " 1746
[planche 14 de la Myologie en couleur]
un effacement glissé du long traversin
des va-et-vient sur la chaîne de montagnes
la mort de l'ardeur quand la musique se dérobe
des larmes à blanc dans le vermeille de l'étamine
et la question d'amour est un chariot
(...) à distance sans distance, la touchant ne le touchant pas.
L'espace non frayé de l'effroi
Maurice Blanchot, L'attente l'oubli
balancelle
[Lez]
« Et maintenant vous m'avez arraché quelque chose que je n'ai plus
et que vous n'avez même pas. »
Maurice Blanchot, L'attente l'oubli
Shōmei Tōmatsu
Iriomote Island,Okinawa. 1971
je porte en moi le chaos
— n'est-ce pas le fond du ciel qui t'emplit ?