Entre ciel et sable, entre le Tout et le Rien, la question est brûlante. Elle brûle et ne se consume pas. Elle brûle pour elle-même, dans le vide. L'expérience du désert, c'est aussi l'écoute, l'extrême écoute. Non seulement on entend ce que l'on ne pourrait entendre ailleurs, le vrai silence cruel et douloureux parce qu'il semble reprocher même au coeur de battre ; mais, également, lorsque l'on est couché, par exemple, sur le sable, il arrive que, tout-à-coup, un bruit insolite nous intrigue ; un bruit comme celui d'un pas humain ou d'un animal.
Edmond Jabès, Le Livre des Ressemblances
Quel est donc ce manque que la photographie va s'échiner à remplir ? Ce face-à-face avec une béance qu'elle me force à ausculter dans une course qui ne peut, encore aujourd'hui, se terminer ? Manque et béance (je crois ces deux mots très justes) qui, par ailleurs, ne concernent en rien ma pratique d'écrivain.
Denis Roche, La photographie est interminable
[entretien avec Gilles Mora]
« L'esprit des amants et la Nature se regardent l'un l'autre dans les yeux ; ce sont deux directions d'une même action, un fleuve qui coule dans les deux sens, un feu qui brûle par les deux bouts. Reconnaître un être ou un objet sans du tout le ramener à soi est alors chose parfaitement impossible ; car "prendre connaissance" des objets, c'est leur "prendre" quelque chose. Ils conservent leur forme, mais paraissent tomber en cendres à l'intérieur ; quelque chose d'eux s'évapore et il ne reste plus que leurs momies. C'est pourquoi il n'est pas non plus de vérité pour les amants. Elle serait une rue sans issue, une fin, la mort de la pensée qui, tant qu'elle demeure vivante, ressemble à la frange d'une flamme où s'enlacent la lumière et l'ombre. Comment un objet isolé pourrait-il s'allumer là où tout brille ? A quoi bon l'aumône de l'assurance et de l'évidence là où tout surabonde ? Et comment peut-on encore désirer quelque chose pour soi seul, serait-ce même ce que l'on aime, quand on a éprouvé que les amants ne s'appartiennent plus l'un à l'autre, mais doivent s'offrir à tout ce qui vient à eux, entrelacés par leurs regards ? »
Robert Musil, L'Homme sans qualités
(traduction par Philippe Jaccottet)
à la première tranche, c'est l'exaltation des matins.
Le jasmin s'étoffe, et lorsque je l'abreuve, son odeur sied au pantalon robuste que je porte. Je ne sais plus depuis quel moment je revêts la culotte longue, longtemps je n'ai pas eu la conscience du vêtement durable. Comme un apprêt de peau escorté de sens que j'enfilerais à l'inné, c'est le rappel de l'armure ― ma structure. Le bruit du frottement des corps qui se rejoignent n'illumine personne, et personne n'entend par là ― la vision immanente au toucher. À la quatrième tranche, la passion du soir, les hommes cherchent la vérité dans la trame fleurie des bouches ardentes. Je note le parfum obsessionnel d'une interrogation
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